Eileen ▲ «L’échec n’existe pas… Seuls les résultats existent»

L'histoire d'une petite pie

Ma mère a toujours été plus une amie pour moi qu'une vraie mère. J'entends par là qu'elle n'a jamais eu ce côté maternel que toute mère devrait avoir. Heureusement pour moi ma grand-mère était là pour s'occuper de moi jusqu'à ce que je puisse le faire toute seule. Et quant à mon père, je l'ai jamais connu. Je ne connais même pas son nom à vrai dire. Ma mère n'a jamais voulu parler de lui, me disant que c'était juste un client de l'époque. Qu'apparemment, la capote avait craqué enfin, je vous épargne les détails affreux qu'elle m'a donnés le jour où je lui ai demandé. Depuis ça a été radical, je n'ai plus rien demandé du tout. C'est comme ça avec ma mère. Dès qu'elle ne veut pas me dire un truc, elle se contente de trouver les mots qu'ils ne faut pas pour que je l'embête plus. Ce n'est pas elle qui a fait mon éducation, mais bien ma grand-mère. Elle a toujours été là pour moi et c'est grâce à elle que j'ai appris les bonnes manières et les principes de la vie. J'ai toujours été pauvre. Depuis toujours. Ma mère se contente de faire le trottoir pour nous faire vivre et ma grand-mère vent des babioles aux passants. Toutes sortes de choses fait mains qui lui ont pris des heures à fabriquer, mais qu'elle vend à tout petit prix. J'ai toujours trouvé ça injuste pour ma grand-mère, mais dès que je m'indignai contre la société, elle me répondait avec son doux sourire qu'elle était fière de voir que les gens aimaient ce qu'elle avait fait et que ça, ça n'avait pas de prix.

Mon enfance se passa relativement bien. Tant que j'évitais de dire le métier de ma mère, les années scolaires se passaient tranquillement. Ça s'était jusqu'au jour où ils décidèrent de tout changer. J'allais rentrer au collège lorsqu'ils ont créé les classes. Sur le coup, je n'ai pas trop compris pourquoi ils voulaient faire ça. Mais j'étais dégoûtée de me retrouver tout en bas de l'échelle sociale. Surtout à cause de ma mère. Elle n'avait jamais rien d'autre que vendre son corps aux autres. Alors notre cas fut rapide, on a été mis directement dans les Oiseaux sans ailes. J'en ai voulu un peu à ma mère. Elle aurait pu faire un effort et essayer d'avoir un métier stable. Mais bon, c'était plutôt à la société que j'en voulais en fait. Nous classer comme de simples objets dans un tiroir. Voilà à quoi étaient résumer les humains maintenant. Mais du haut de mes 11 ans, je ne pouvais rien faire a part accepter ce qu'il se passât. Ma grand-mère fut aussi mise dans les Oiseaux. Elle ne s'en plaignait pas. De toute façon, je ne l'avais jamais vu se plaindre. Elle continuait de vendre ses petites sculptures avec le sourire. Ma mère n'avait pas changé non plus, elle avait gardé le sourire, contente de nous voir toujours réuni. J'avais du mal à rester en colère très longtemps avec ses deux-là, leur sourire était contagieux. Mais je me promis une chose, tout faire pour que ma vie soit celle que j'ai choisie. Mais ce n'était qu'un rêve de gosse. Et alors que je rêvais de grandes études, je dus arrêter à l'age de 16 ans pour aider ma mère.

Ma grand-mère nous avait quittés lorsque j'avais 15 ans. J'avais été triste, mais c'était la vie. Ici en bas, on savait que ça nous faisait une bouche en moins à nourrir. Et puis on se rassurait en ce disant qu'elle était mieux là-bas qu'ici. J'avais gardé l'une de ses petites poupées en bois. Une ballerine grossièrement taillée dans un bout de bois. Elle n'avait jamais été finie, mais ça m'importait peu. Mon dernier souvenir d'elle qui restait précieusement avec moi. Mais maintenant, j'étais assez âgée pour aider ma mère coté financier. Alors je n'avais plus le temps de pleurer. Il était convenu que je reprenne l'affaire familiale, mais je n'étais pas faite pour le métier. Et même si ma mère ne m'avait jamais vu comme sa fille, elle ne me voyait pas finir comme elle. Alors il fallait trouver autre chose. En fait ça m'avait paru logique. Un soir alors que je rentrais chez moi, je bousculai une jeune femme qui devait s'être trompée de quartier. Elle devait être un Lion ou un Dragon. Et là, ce fut le déclic. Un sourire bien placé et des plates excuses pendant que je lui fouillai les poches discrètement. Mon premier butin : une petite liasse de billets et un joli collier en or. Depuis, c'est mon gagne-pain.

Maintenant, j'ai 21 ans et je suis toujours au fond du trou. J'ai décidé de laisser ma mère seule pour aller vivre ma vie. Ma vie n'a rien de brillant, mais c'est ma vie. J'ai décidé de voler à la manière d'un Oiseaux sans ailes.